Un gros coup.
Treize minutes pour briser la petite vitre arrière et latérale de notre Ford, la débarrasser de notre super appareil photo, de notre vidéo projecteur et de deux sacs (vêtements Nil et affaires d’école), pour faire sauter ensuite la serrure de la voiture voisine, y prendre deux ordinateurs et quitter les lieux rapido dans une Ford Escort.
On s’est fait plumer comme des touristes, en fin de journée, veille de fêtes pascales, sur le parking tranquille et sûr d’un café de La Cumbre. Ce qui devait arriver arriva là où on s’y attendait le moins ; on avait baissé la garde.
Depuis 24 heures, on vit un contre la montre hallucinant pour tenter de retrouver notre matériel et quelques centaines de photos.
Un puzzle à construire.
D’abord à partir des images de vidéo surveillance des treize minutes de l’effraction et du vol : deux hommes dont on aperçoit les cheveux, vaguement le visage, qui partent en Ford Escort grise.
Ensuite, à partir des événements plus ou moins louches ou suspects que l’on a vécus ces derniers jours : un homme à bicyclette puis à pied que l’on a suivi un soir parce qu’il rôdait trop près de notre voiture et qui s’est caché dans
l’obscurité d’un fossé en attendant notre départ (première tentative ?), un autre homme rencontré dans la journée qui frappe au carreau de notre cabana vers 23H30 pour nous proposer, désespéré, sa maison à louer.
Coup de chance, la deuxième voiture fracturée appartient à un trentenaire de Buenos Aires, Christian, bien connu de La Cumbre, dont le père est mort il y a dix ans dans un kidnapping qui a mal tourné, es verdad ! Sa haine tiède contre le gouvernement du pays et sa police corrompue lui donne une énergie d’enragé ; en quelques heures le maire, les stations de radio et de télévision locales et la moitié des habitants de La Cumbre étaient informés qu’une famille française et lui-même offrent une grosse récompense pour le matériel volé.
Le mot est passé entre vendeurs d’électronique, receleurs potentiels et gros bonnets locaux. Christian et Franck ont fait une « tournée » dans les deux villages alentour. A La Falda, 15 km de La Cumbre la police n’était pas au courant contrairement à ce que nous avait dit le commissaire d’ici ; le maire de La Cumbre au plus fort de la semaine sainte ne tient pas à ternir la réputation de sa ville prospère et tranquille mais la radio-télévision de La Falda a pris un malin plaisir à diffuser l’information sur sa voisine…
On attend que la mayonnaise prenne et que le cellulaire de Christian sonne, sans espoir.
On habite maintenant plus loin du centre, entre chemins de terre et sierras et la beauté du lieu nous rend philosophes. Les gringos en Amérique latine sont à plumes, on le savait. Il nous manque plus qu’une péritonite et notre compte est bon.